De la gratitude, vous dites?

Deux poules Il fait beau. L’air est parfumé des mille senteurs du marché. Djoha et son ami Salem sirotent le thé du matin à la terrasse du bistrot. Ils parlent gravement des lois que tout honnête musulman doit respecter, coûte que coûte. - Aider son prochain, dit Djoha, voilà bien le commandement le plus sacré qui soit au monde. Comment pour-rais-je vivre en paix si mon voisin manque de tout ? - Et que fais-tu pour lui, mon frère ? - Admettons que j’aie deux maisons. S’il se trouve sans feu ni lieu, Je partage, ma foi l’exige. Salem en reste bouche ouverte. Une lueur d’admiration brille sous ses sourcils touffus. - Djoha, dit-il, tu ferais ça ? Tu donnerais une maison, de bon cœur, à un malheureux, sans rien demander en échange ? Son compagnon bombe le torse. - Evidemment. Je le ferais. J’ai deux champs, deux chevaux, deux ânes. Tu n’en as pas ? Prends, mon ami. Allah le veut, donc moi aussi. - Alors là, vraiment, tu m’épates. Je bois le thé avec un saint ! Ainsi n’importe qui, un mendiant de passage, frappe à ta porte, il te salue. « La paix sur toi, mon bon Djoha, donne-moi une de tes poules. » Et toi tu lui réponds : « Sers-toi. » - Ah non, Salem, pas une poule. Tu plaisantes ou quoi ? Tout de même, il ne faut pas exagérer. L’autre, l’air un peu égaré : - Quelque chose a dû m’échapper. Rectifie-moi si je me trompe. Tu étais d’accord, à l’instant, pour offrir à ton voisin pauvre un âne, un champ, une maison, et tu refuserais de donner une poule, même maigre, à un miséreux ? - Un peu de jugeote, Salem ! Tu sais bien que je n’ai qu’un âne, qu’un mauvais champ, qu’une maison, mais des poules, oui, j’en ai deux. Le problème est tout différent. (Henri Gougaud, Le livre des chemins)

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Commentaires: 1
  • #1

    Muhd (mercredi, 18 juillet 2012 17:53)

    THX for info